Enfin, Bloch pose « les devoirs de l’historien » : l’analyse de toutes les sources trouvées et critiquées, et la réflexion sur la discipline. Il souligne que ces derniers sont devenus la principale matière de l'histoire, et ce assez logiquement. Il en va de même pour les sociétés, qui ne sont pas qu’une somme d'individus. L'historien s'interroge d'abord sur l'impartialité en histoire. « Démasquer une imitation, c’est, là où nous croyons d’abord avoir affaire à deux ou plusieurs témoins, n’en plus laisser subsister qu’un ». Marc Bloch souligne le biais qui tend à faire percevoir malencontreusement les faits les plus reculés historiquement comme les plus difficiles à transcrire. L'ouvrage regagne en popularité à la parution d'une nouvelle édition critique en 1993, préfacée par Jacques Le Goff et dirigée par Étienne Bloch, le fils de l'auteur[1]. En effet, Febvre a effectué quelques ajouts et modifications aux textes, et supprimé un passage, dans la première édition publiée en 1949[22]. En effet, l’argumentation, de nature plus sociologique cette fois, s'appuie ici sur le fait qu'au sein d'une société existe « une similitude de coutumes et de techniques trop forte pour permettre à aucun individu de s'éloigner sensiblement de la pratique commune ». ». Apologie pour l'histoire ou Métier d'historien est un essai qui synthétise la conception de l'histoire développée dans l'entre-deux-guerres par l'école des Annales, que Marc Bloch a fondée avec l'historien Lucien Febvre[1]. Changer ). L’évolution humaine n'est pas le résultat d'une suite de « brèves et profondes saccades, dont chacune ne durerait que l’espace de quelques vies ». Gérard Noiriel met en parallèle l'Apologie et une autre œuvre rédigée pendant la guerre par Marc Bloch, L'Étrange Défaite. Marc Bloch dénonce l’analyse par tiroirs : « le danger dans les disciplines au croisement de différents faits, c’est qu’une seule prétende tout voir à elle-même ». Marc Léopold Benjamin Bloch, né le 6 juillet 1886 à Lyon et mort le 16 juin 1944 à Saint-Didier-de-Formans (), est un historien français, fondateur avec Lucien Febvre des Annales d'histoire économique et sociale en 1929.Marc Bloch a donné à l'école historique française une renommée qui s'étend bien au-delà de l'Europe. Il est peu lu dans les années 1970 en France, alors que les méthodes historiques se tournent vers de nouveaux courants (le linguistic turn, ou la Nouvelle Histoire, par exemple). Cet élément de la méthode critique que Marc Bloch appelle « le principe de ressemblance limitée » s'illustre selon lui très bien dans les études statistiques, où plusieurs recherches comparées sur un sujet identique qui incluent un grand nombre de données (et où les erreurs isolées se compensent) fourniront logiquement des résultats concordants, non identiques, mais non drastiquement différents. Cofondateur, en 1929, de la revue Annales, le grand historien Marc Bloch fut une des victimes de Klaus Barbie. Il revient sur la place de l'historien, la légitimité de l'effort intellectuel des scientifiques, et sur le rôle de la science[AH 1]. Puis, dans le sous-chapitre suivant, « Des limites de l’actuel et de l’inactuel », il affirme que le temps proche n'est pas moins praticable que les périodes plus anciennes, sans pour autant le reléguer à la sociologie, comme d'autres savants. Quatrième de couverture Cofondateur, en 1929, de la revue Annales, le grand historien Marc Bloch fut une des victimes de Klaus Barbie. C’est pourquoi j’aime la vie », « par contraste avec la connaissance du présent, celle du passé serait nécessairement « indirecte » », « ne sont pas, à beaucoup près, les seuls à posséder ce privilège de pouvoir être ainsi appréhendés de première main », « interdit [aux historiens] de rien connaître de lui qu’il ne leur ait lui-même livré, sciemment ou non », « se résigner à l’ignorance et l’avouer honnêtement », « une grande revanche de l’intelligence sur le donné », « il risquerait d’errer éternellement à l’aventure », « Tout livre d’histoire digne de ce nom devrait comporter un chapitre [...] qui s’intitulerait à peu près : « Comment puis-je savoir ce que je vais dire ? Marc Bloch ajoute finalement que la connaissance forgée par la méthode critique n’est pas étrangère à la conduite des hommes. Cofondateur, en 1929, de la revue Annales, le grand historien Marc Bloch fut une des victimes de Klaus Barbie. De même pour l'étymologie, où il ne s'agit pas de donner uniquement le premier sens connu d'un mot, mais d'expliquer le glissement sémantique qu'il a subi. L'historien met en parallèle ce microcosme particulier avec le Haut Moyen Âge, où la tradition orale est aussi forte[AH 7]. Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter: Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Cette œuvre apparaît comme le résultat des expériences et réflexions qui ont évolué au cours de sa vie. Pour Marc Bloch, il faut pour que le doute se fasse examinateur, qu'il procède de règles élaborées permettant de distinguer le mensonge de la vérité. Il avait auparavant déjà manifesté un intérêt vif pour la méthodologie historique : en 1914, il a prononcé un discours intitulé Critique historique et critique du témoignage à une remise de prix lycéens[12]. De même, Gérard Noiriel, après avoir exposé ses craintes quant aux formes qu'ont pris les querelles théoriques dans le monde universitaire, plaide en 1994 pour « un retour aux thèses développées par Marc Bloch, susceptible de nous aider à résoudre ces problèmes »[26]. Elles se cherchent. Il questionne les choix, nécessairement arbitraires, des antécédents, effectués par les historiens pour étudier les événements. Celle-ci est basée sur la comparaison entre l'objet étudié et un ensemble de documents déjà découverts. Il écrit : « Les causes, en histoire pas plus qu’ailleurs, ne se postulent pas. Cofondateur, en 1929, de la revue Annales, le grand historien Marc Bloch fut une des victimes de Klaus Barbie. Marc Bloch s'installe à Clermont-Ferrand à la fin de l’année 1940, avec sa femme et ses six enfants, suivant l’Université de Strasbourg qui s'est repliée dans cette ville, à la suite de la défaite française et de l'Occupation[11]. Mais Marc Bloch et c’est une nouveauté vis-à-vis des « positivistes » dit que la parole d’autrui et donc la trace psychologique n’intervient pas dans certaines traces et que donc la connaissance indirecte ne nous vient pas que d’esprits humains différents : par là il n’évoque pas que les documents matériels, mais surtout ce qu’il appelle des « résidus d’expérience » : « des témoins non conçus pour la postérité et donc en lesquels la science a le plus confiance ». Plus loin, Marc Bloch déplore l'habitude de faire des siècles des bornes chronologiques, considérant qu’il est nécessaire de demander aux phénomènes étudiés leurs propres périodes. Les témoignages s'appuient sur une mémoire qui peut être défaillante. Ce dernier est toutefois limité puisqu'il « interdit [aux historiens] de rien connaître de lui qu’il ne leur ait lui-même livré, sciemment ou non ». D’abord publié sous forme de brochure (Cahiers des Annales n°3) en 1949, il est ensuite, à partir de 1974, édité à plusieurs reprises sous forme de livre. Apologie pour l'histoire; Apologie pour l'histoire. ( Déconnexion / Ces classements, ces divisions, sont des abstractions que revendique Marc Bloch, nécessaires à ses yeux pour faire la science : « La science ne décompose le réel qu’afin de mieux l’observer, grâce à un jeu de feux croisés dont les rayons constamment se combinent et s’interpénètrent ». Cofondateur, en 1929, de la revue Annales, le grand historien Marc Bloch fut une des victimes de Klaus Barbie. » », « esquisse d'une histoire de la méthode critique », « composé de postulats irraisonnés et d'expériences hâtivement généralisées », « rendu à l'érudition son rang intellectuel », « faux brillants d'une histoire prétendue », « une affirmation n'a le droit de se produire qu'à la condition de pouvoir être vérifiée », « son empressement à tendre le cou d'avance à la réfutation », « sciemment beaucoup déformé, beaucoup omis », « n’étaient pas là-dessus plus délicats », « chants soi-disant traduits du croate par, « la fraude, par nature, enfante la fraude », « le bon témoin n'existe pas ; il n'y a que de bons ou mauvais témoignages », « le miroir où la conscience collective contemple ses propres traits », « les raisons présumées de la véracité, du mensonge ou de l’erreur. Marc Bloch donne l’exemple des études chrétiennes, où il ne s'agit pas d'expliquer « si Jésus fut crucifié, puis ressuscité », mais de comprendre comment et pourquoi les hommes y croient. L'ouvrage se nomme alors encore Apologie pour l'histoire[14]. Si pour les historiens méthodiques, les documents avaient une position très importante et plus particulièrement tous les textes. Marc Bloch considère qu'il est pertinent de forger des mots pour désigner des groupes de faits, mais qu'il faut prendre garde de ne pas tomber dans l'anachronisme, « entre tous les péchés, au regard d’une science du temps, le plus impardonnable », non plus que d'effacer sous des étiquettes des réalités plus complexes. Il est en cela emblématique de la pensée de l'école des Annales, que l'auteur a co-fondée à la fin des années 1920 avec Lucien Febvre. Gérard Noiriel remarque que Marc Bloch fait un constat sévère de certaines pratiques d'autres historiens, en particulier ceux qui formulent des jugements en tant qu’acteur du monde présent et non en tant que chercheur ; ce dernier doit proscrire le jugement de valeur[6]. » »[AH 5]. Précieux, sans doute, entre tous ; mais, comme tous les témoignages, imparfait ; donc, sujet à critique », « entre tous les péchés, au regard d’une science du temps, le plus impardonnable », « Les causes, en histoire pas plus qu’ailleurs, ne se postulent pas. Marc Bloch, pour illustrer cette idée, raconte qu'alors qu'il était en vacances avec Henri Pirenne, ce dernier souhaita visiter l'hôtel de ville neuf de Stockholm, et lui dit : « Si j’étais un antiquaire, je n’aurais d’yeux que pour les vieilles choses. Cofondateur, en 1929, de la revue Annales, le grand historien Marc Bloch fut une des victimes de Klaus Barbie. Fiche de lecture courte : Marc BLOCH, Apologie pour l’Histoire ou Métier d’historien. ©Electre 2020. L'historien revient enfin sur la « transmission des témoignages », mettant en avant l'importance de l'archiviste et des outils qu'il formule pour faciliter l'accès aux documents pour les historiens, et leur persistance. il prend pour exemple un exploit militaire raconté par Marcellin de Marbot dans ses Mémoires, qui n'est corroboré par aucune preuve existante. Pour Marc Bloch, il est essentiel pour les historiens, en plus de fournir une bibliographie, d'expliquer leur façon de procéder : « Tout livre d’histoire digne de ce nom devrait comporter un chapitre [...] qui s’intitulerait à peu près : « Comment puis-je savoir ce que je vais dire ? Chaque historien ne peut seul tout comprendre et ainsi chacun fait des choix et analyse des domaines bien particuliers. Bloch y voit « une grande revanche de l’intelligence sur le donné ». À cet égard, la Première Guerre mondiale est au regard de Marc Bloch un terrain intéressant pour étudier la diffusion du témoignage, sa déformation, car il a notamment vu renaître une tradition de transmission orale sur le front. âCofondateur, en 1929, de la revue Annales , le grand historien Marc Bloch fut une des victimes de Klaus Barbie. Il écrit : « Le vocabulaire des documents n’est, à sa façon, rien d’autre qu’un témoignage. L'ouvrage Apologie pour l'histoire ou métier d'historien de Marc Bloch qui part notamment de ce constat de crise de la profession (repli et vieillissement de l'histoire universitaire (ex : des chaires universitaires)), est une Åuvre individuelle, Åuvre d'un moment, ⦠Puis, dans le sous-chapitre suivant, Marc Bloch évoque l'habitude de l’explication du plus proche par le plus lointain, qu'il nomme la hantise des origines. Il détaille en exemple les origines et les usages parfois problématiques du terme « Moyen Âge ». L'historien doit savoir se défaire de ses expériences de « sens commun » pour analyser le passé, et éviter à tout prix l'anachronisme[5]. Inachevé, il est publié de manière posthume en 1949, à l’initiative de Lucien Febvre. Plus encore, l'histoire est la science des hommes dans le temps. (nouvelle édition plus complète et intégrant des brouillons, préfacée par. L'historien appelle à la prudence : « le bon témoin n'existe pas ; il n'y a que de bons ou mauvais témoignages ». Marc Bloch rappelle que de ce caractère de l'histoire, science de l’homme, a découlé des questionnements liés au langage, cherchant à savoir si l'histoire était une science ou un art. L'histoire a, en élaborant la technique de la critique, « ouvert aux hommes une route nouvelle vers le vrai et, par suite, le juste »[AH 8]. Il donne ensuite l'exemple du faussaire Denis Vrain-Lucas, qui a vendu de nombreux faux au mathématicien Michel Chasles, entraînant une série de mensonges autour de la paternité de la découverte de l'attraction universelle. Selon les feuilles manuscrites qui sont parvenues à la fois à la famille de March Bloch et à son ami Lucien Febvre[1], on peut supposer que dans les derniers chapitres de son ouvrage, il aurait développé les sujets de la relation causale ainsi que celle du problème de la prévision en Histoire : l’Histoire permet-elle de prévoir le futur ? Marc Bloch cherche dans cette longue sous-partie à dégager la « dialectique propre » de la critique du témoignage. Eux-deux étaient par ailleurs entrés dans une violente opposition entre avril et mai 1941, Marc Bloch refusant la poursuite de la publication des Annales sous l'Occupation, alors que Febvre souhaite la maintenir, pour participer à une forme de résistance intellectuelle[16],[17]. L'historien Gérard Noiriel, dans un article publié en 1994, à l'occasion des 50 ans de l’assassinat de Marc Bloch, tire différentes analyses de l'essai inachevé. Achetez neuf ou d'occasion. Dans sa préface de l’ouvrage, en 1974, Georges Duby se montre critique de l’essai. De plus, sa rédaction se fit sans tous les documents et les outils que peuvent requérir l’écriture d’un tel ouvrage, dans un contexte de guerre. Tous les ⦠En ce sens et avant toute chose, il est nécessaire à l'historien d'avoir une direction pour exploiter la source, sans quoi, tel un explorateur sans itinéraire, « il risquerait d’errer éternellement à l’aventure ». Enfin, il est une troisième forme d'imposture, le « sournois remaniement », qui consiste à insérer du faux dans un contenu vrai, généralement pour broder. Avec Apologie pour l'Histoire ou Métier d'historien, paru à titre posthume en 1949, Marc Bloch livre sa conception de l'Histoire. Le Parlement européen prêt à tout pour empêcher Le Pen de tribune. Fnac : Apologie pour l'Histoire, Marc Bloch, Armand Colin". Ayant travaillé sur les outils de la méthode historique, ce spécialiste de l'histoire médiévale met en forme une méthodologie originale pour renouveler l'étude et la compréhension des phénomènes historiques. Mais je suis un historien. Il propose dans les années 1930 un recueil de textes de méthodologie nommé Historiens à l'atelier à Gallimard, sans succès[12]. Il l’affirme dans un troisième sous-chapitre intitulé « Le temps historique », où il précise que, si le temps à une importance dans de nombreux champs scientifiques, il a la particularité d'être central ici, d'être « le plasma même où baignent les phénomènes et comme le lieu de leur intelligibilité ». C'était un combattant de la Première Guerre mondiale décoré de la Croix de guerre, de la médaille militaire et de la Légion d'honneur ainsi qu'un membre de la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale. Mais l'histoire prodigue des données « d’une extraordinaire complexité », qui demeurent le plus souvent « rebelles à toute traduction mathématique ». Il ne faut toutefois pas se perdre dans ces découpages. Es blieb unvollendet, da Bloch 1944 von der Gestapo erschossen wurde. Quant au fait présent, il est le reflet d’états moraux. Soixante ans après, celui-ci a la même pertinence pour les historiens qu'au jour où il a été écrit[27]. Étienne Bloch, son fils, confie trois manuscrits de l'essai à Lucien Febvre à la fin de l’année 1944, et en conserve deux[19]. Mais c'est une voie ambiguë et potentiellement dangereuse, car cette « obsession embryogénique » de l'origine peut amener un emploi du passé qui serve à expliquer le présent pour mieux le justifier ou le condamner. L'antidatage, rappelle-t-il pour illustrer son propos, est une pratique actuelle, et les hommes du passé « n’étaient pas là-dessus plus délicats » que ceux du temps présent. C’est une œuvre individuelle écrite durant la seconde guerre mondiale (1941-1943). Au contraire, il revendique, dans le chapitre consacré à la critique, les méthodes d'analyse de Seignobos et de ses pairs et y ajoute selon Barthélemy une dimension sociologique, étant inspiré par les travaux d'Émile Durkheim et Lucien Lévy-Bruhl, qui sont alors en vogue dans les sciences humaines[10]. « Une absence de document relève d’une négligence ou du secret : ce silence peut vouloir dire beaucoup sur un régime. Mais je suis un historien. Quatrième de couverture. Marc Bloch évoque d'abord, dans le premier sous-chapitre intitulé « Le choix de l'historien », l'origine grecque du mot histoire, signalant au lecteur qu'il gardera, dans cet ouvrage, sa signification la plus large. Car tout témoignage, s'il revêt un caractère inédit n'en reste pas moins lié à son temps. M. Bloch traite ici des mêmes questions, et les réponses qu'il y donne ne diffèrent pas essentiellement de celles de ses prédécesse⦠Mais au-delà du constat de la tromperie, il faut surtout pour l'historien en définir l'objectif initial. Apologie pour l’Histoire ou métier d’historien de Marc Bloch (1886-1944) part d’un constat de crise chez les historiens.